samedi 11 novembre 2017

ABSTRACTION/FIGURATION : représente ou symboliser ? Cours première Spé Arts plastiques

Première Spé Arts plastiques 


FIGURATION/ABSTRACTION :
représenter ou symboliser ?
Abstraction, tentative de définition…

 
Terminologie : Le terme bien du latin « ab-traere » signifiant « retirer de » : par extension, on pourrait signifier que ce qui est abstrait est confus, non identifiable, retiré du…réel ; faire abstraction de quelque chose, c’est en nier l’existence et le caractère CONCRET ; l’abstraction élude une réalité et s’en affranchit.

La question de l'abstraction en art est liée à l'histoire, et notamment au fait religieux et aux différentes expressions du spirituel, ce dès les prémisses de l'activité artistique :

a) Epoque préhistorique : de récentes découvertes concernant la datation chimique des peintures on permis de reculer de 10000 ans environ les 1ères peintures d l’histoire de l ‘humanité (40800 ans pour l’Espagne , 37000 pour la grotte Chauvet).  Parmi les figures «réalistes », il y a des ensembles très stylisés et graphiques : le travail des « artistes » consiste en biffures, griffures, stries régulières, signes géométriques ou « pochoirs » de mains.

 

signes géométriques rupestres dans le Valmonica, Lombardie, 6000 ans environ.

On retrouve cette stylisation dans les chevelures de certaines statuettes (vénus de Willendorf, vénus de Brassempouy), ou objets comme des propulseurs de sagaies.

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Vénus dite de Brassempouy, ivoire, environ 23000 ans

Image associée
Vénus de Willendorf, Autriche (déouverte en 1908), calcaire, il y a 25000 ans environ.

  b) époque antique :


Même si les termes d’essence, d’idée ne sont pas l’équivalent du mot abstraction, le sens en est proche chez Platon : dans le "Timée", Platon discourt de l'Art et de la séduction, de la confusion surtout qu’il crée en proposant des « apparences d’apparences » de l’idée : un oiseau peint par Zeuxis, sur un mur, de manière très réaliste, n’est que la forme illusoire d’une apparence : il y a l’idée (l’essence) d’oiseau, l’oiseau lui même, et la peinture : Platon évoque donc la peinture comme une activité de charlatan, puisqu’il s’agit de tromper les observateurs.
Dans le mythe de la Caverne, Platon imagine que ce qui effraie les prisonniers, est l'apparence des ombres produite sur les parois de la grotte, ainsi que les bruits produits par des chaines et autres objets : il en déduit que l'art mimétique ne peut amener à la vérité car il n'est qu'illusion, tromperie.
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Les peintres Parrhasios et Zeuxis, lors de leur "concours" : les raisins de Zeuxis étaient si véridiques que les oiseaux venaient picorer les grains peints sur le mur.

Image associée
Illustration du mythe de la caverne : des ombres trompeuses


Cette opinion « étroite », qui n’accorde à l’art que la possibilité de dire (ou non) l’essence du VRAI, est limitée à cette époque ; les statues de Kouros (jeune homme) et Korè (jeune fille) créés entre le VIII et le IIIè siècle avant JC en Grèce tendent néanmoins vers une sorte d'idéalisation normative de la forme du corps (posture identique des différentes versions, corps stylisés, expression impassible). Le beau est universel ou il n'est pas ; il peut s'incarner dans une forme mais elle doit approcher une sorte de "perfection" et se détacher des accidents.













 

jeudi 9 novembre 2017

TERM.Spécialité CORRECTION DS Culture artistique Auguste RODIN


 ANALYSE PLASTIQUE (Auguste RODIN)


Dans la perspective de l'épreuve de culture artistique au baccalauréat, il est bon de s'être "frotté" à l'exercice de l'analyse plastique sur document ; il était ici demandé de s'attarder sur le groupe d'"Ugolin et ses enfants" (1881), dans sa version sur socle réduit et sur fixé au sommet au sommet d'une colonne antique.

Auguste RODIN Ugolin et ses enfants 1881 plâtre
Ugolin et ses enfants,  Vers 1881Plâtre, H. 41,5 cm ; L. 40,3 cm ; P. 58,7 cm


Ugolin sur colonne, plâtre et moulage de colonne,   Plâtre
H. 144,5 cm ; L. 40,3 cm ; P. 58,7 cm



  Rodin est un sculpteur déjà célèbre quand il sculpte ce petit groupe de personnages centré sur la figure d’Ugolin, personnage dramatique issu de la « Divine comédie » de Dante.
Dans son groupe pour La Porte de l'Enfer, Rodin représente le drame juste avant qu’il n’atteigne son paroxysme : Ugolin rampe sur le corps de ses enfants mourants mais il n’a pas encore totalement cédé à ses pulsions bestiales. Nu, grimaçant, à genoux, cet homme désespéré touche le fond de la dignité humaine


A 41 ans, l’état français lu a commandé une porte monumentale, afin d’orner la future entrée du musée des arts décoratifs : la « porte de l’enfer », composition foisonnante comptant plus de 200 personnages, faisait déjà apparaitre Ugolin et ses trois enfants. Selon une habitude qui caractérise son approche moderne de l’œuvre, Rodin a extrait ces 4 figures de la « porte » pour leur donner une autonomie. 

 La sculpture est de dimensions moyennes, et les figures sont à peu près 4 à 5 fois plus petites que des corps réels : l’approche pour le spectateur est plutôt intime, et n’impose pas à priori la puissance physique du « baiser », réalisé lui à l’échelle 1.
    Le personnage central, Ugolin, affamé et emprisonné avec ses enfants, semble ramper à genoux sur un sol irrégulier, piétinant sa progéniture déjà en proie aux affres de la faim : l’un des enfants s’accroche désespérément à son père, alors que celui ci semble soulever celui figuré au devant de la sculpture. A l’arrière, coincé entre la jambe droite et le sol, un 3ème enfant semble déjà mort ou endormi. La composition des corps et leur entremêlement est donc complexe, et et se situe aux antipodes de celle de Carpeaux, qui sur le même sujet proposait un groupe pyramidal, avec un Ugolin assis ; chez Rodin, il et à terre, et peine à avancer ; ses enfants tentent de s’agripper à lui, mais leur chute est inéluctable.
    Néanmoins, Rodin accorde comme Carpeaux une grande importance au mouvement, qui semble réellement saisi sur le vif. Le groupe est réalisé en plâtre, matériau que Rodin affectionnait tout particulièrement pour la rapidité d’exécution qu’il assure et sa malléabilité ; des lignes de démarcation sont visibles sur les flancs du corps d’Ugolin, révélant la technique du marcottage (assemblage de plusieurs fragments préalablement moulés).
    La matérialité induite par le plâtre est ici importante : traces de doigts et d’outils divers sur le socle, visage de l’enfant allongé au devant à peine esquissé, visage hagard et cheveux imprécis d’Ugolin, les gestes du travail sont là et Rodin n’a pas cherché à les masquer, bien au contraire : c’est un prisonnier aux abois, rendu fou par la faim et près à commettre l’impensable, dévorer se propres enfants ; ses côtes sont très apparentes et les muscles sont aussi saillants, marquant la tension du corps qui semble tenter de se soulever mais n’y parvient pas.
    L’enchevêtrement de ce corps révèle aussi des vides et des points de vue sur les corps des enfants, qui sont quelquefois à la limite de l’abstraction (pied droit d’Ugolin juxtaposé aux jambes de l’enfant à l’arrière du groupe, vue de son flanc droit qui découvre une partie non finie du buste d’un autre enfant) :  ces mêmes vides créent des zones d’ombre ou de pénombre, qui permettent une grande variété d’effets de volumétrie, conforme au travail déjà mené sur la version en plâtre de la « porte de l’enfer » : ombres propres et ombres portées participent à la sensation d’animation du groupe sculpté, qui fait émerger un personnage dans la lumière, mais lui associe aussi beaucoup de zones sombres.
    Rodin nous propose aussi une vision hallucinée et dramatique  d’un homme rendu dément par la faim : le mouvement est celui de corps fatigués et pantelants, et qui peine à s’arracher à l’inanité de la matière (le sol, ici associé au socle, très torturé). En 1900, Rodin expose son « Ugolin » en lui associant un moulage de socle antique : peut-être veut-il cette fois-ci atténuer la dureté de la scène par le raffinement rassurant du style antique ? Ou tout simplement donner un caractère noble à son sujet, mis sur un piédestal, comme aurait pu l’être une vison triomphante ? Toujours est-il qu’avec ce groupe sculpté, Rodin se joue une fois plus des conventions, tant dans les choix ce composition, que dans l’expression du mouvement, la visibilité des procédés de fabrication ou la présentation sur piédestal.  

M.Regis