Un article écrit par Léa JOURDET, Terminale L1 Arts plastiques spécialité, lycée Renoir.
Jean ARP ou Hans ARP, né de père allemand et de mère alsacienne à Strasbourg en 1886, est mort en 1966 à Bâle.
Il étudie les arts décoratifs à Strasbourg, Paris et Weimar, avant de se consacrer à la poésie. Il adhère un instant au club artistique Das jüngste Elsaß qui veut promouvoir une version rénovée de la culture alsacienne et germanique. Il fait aussi la connaissance de Paul KLEE en 1909. IL participe à des expositions, dont celle du Blaue Reiter en 1912. IL s'associe en 1916, à Zurich puis Cologne, à la fondation du mouvement Dada. Il commence à sculpter (bois découpés et peints) en 1917. Proche des surréalistes de 1926 à 1930, il deviendra membre fondateur du groupe Abstraction-Création.
Sophie TAEUBER-ARP est née en 1889 à Davos (Suisse), et décède en 1943 à Munich, à 53 ans.
L’Atelier de Jean Arp et de Sophie Taeuber a la singularité d’abriter les travaux d’un exceptionnel couple d’artistes. Le couple se lance à corps perdu dans la recherche artistique expérimentale et produit d’immenses œuvres abstraites à quatre mains.
Jean Arp a dit à propos de son épouse et des spécificités de son art : « La sérénité de l’œuvre de Sophie Taeuber est difficilement accessible à ceux qui sont dépourvus d’âme et qui vivent dans la confusion. Parfois on a qualifié ses œuvres d’art appliqué. La bêtise autant que la méchanceté sont à l’origine de cette appellation. L’art peut aussi bien s’exprimer au moyen de la laine, du papier, de l’ivoire, de la céramique, du verre que par la peinture, la pierre, le bois, l’argile. Un vitrail gothique, un tissu copte, la broderie de Bayeux, une amphore grecque ne ressortissent pas à l’art décoratif. Je connais des objets sculptés par des paysans qui ont une réalité plastique vivante, aussi haute que celle d’un torse antique. L’art est toujours libre et libère l’objet auquel il s’applique ».(In « Jalons » 1950, Jours Effeuillés, Gallimard, 1966)
Sophie Taeuber-Arp apprend à tisser, à dessiner des motifs, elle prévoit d'être dessinatrice textile et devient d'abord enseignante. Elle va associer le savoir artisanal au domaine des arts plastiques. Il s'agit de penser avec les mains au lieu de partir d'un concept pour créer. Son œuvre très diverse est marquée par la géométrie et le rythme, embrasse des formats à deux dimensions (tableaux, travaux sur tissu), à trois dimensions (sculpture, reliefs) et le spectacle vivant (danse, théâtre).
Elle a sans cesse reproduit les mêmes motifs abstraits, et cela au travers de tous les médiums utilisés : dessin (gouache préalable), broderie, tapisserie, peinture, vitrail, volume (petit objet, bijou, jouet, marionnette, Tête Dada, meuble, relief), décor mural, architecture, avec la volonté de rompre la hiérarchie des arts, d’œuvrer en collectif et d'intégrer l'abstraction dans la vie quotidienne.
Si le rectangle et le carré prédominent, accompagnés du triangle (Compositions verticales-horizontales, 1915-1930), la courbe et le cercle apparaissent dès les premières années (1915-1920) pour s'imposer dans les dernières années de son oeuvre (années 1930 et 1940). La proximité, la collaboration et le travail en duo avec Jean Arp (abstraction organique, reliefs en bois peint) ont d'ailleurs entraîné une influence réciproque.
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Sophie
Taeuber-Arp
(1889 - 1943)
Bois tourné et peint
34 x 20 x 20 cm
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Hans ARP : "relief concret" , assemblage de vois peint, 1916-23 |
Jean Arp est peintre, sculpteur et poète, cofondateur du mouvement dada, puis proche du surréalisme. Il a exercé une forte influence sur de nombreux artistes parmi lesquels, Tristan Tzara, Marcel Duchamp, Picasso ou Mondrian…Anticonformiste et contre l’art traditionnel, il voulait créer de « nouvelles apparences », tout en prenant la nature pour modèle.
Dès les années 1916, années des premiers reliefs Dada, il s'inspire des "lois du hasard", bannissant la volonté dans la composition. Il est guidé par deux impératifs : l'art doit être concret et emprunter les processus spontanés et paisibles de la nature comme sujet. La réunion des deux donnera naissance aux "Formes terrestres", reliefs, dessins, gravures, renvoyant à une nature signifiante dont la logique n'est pas celle de l'homme et qui devient le principe conducteur de toute son œuvre.
En 1916 le couple réalise son premier collage commun, puis de nombreuses œuvres en duo avec la volonté affichée de créer une unité qui empêche de distinguer qui a fait quoi. Les deux artistes ont réalisé des collages, des sculptures, des dessins.
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Sophie TAEUBER-ARP et Hans ARP : "duo collage", 1918 |
ILs ont aussi travaillé tous les deux avec Théo van Doesburg pour décorer L'Aubette, 1926-1928, à Strasbourg. Il s'agissait d'installer un vaste complexe où s'imbriqueraient restauration et loisirs, avec une dizaine de salles comprenant notamment un bar américain, un caveau-dancing, un restaurant, une salle de billard, un ciné-bal, une salle des fêtes et un foyer-bar. Ils ont mis en pratique les théories du mouvement néerlandais De Stijl (esthétique néoplastique: emploi de formes géométriques abstraites, agencement des couleurs primaires et des non-couleurs et grille orthogonale stricte), alors en vogue en Europe, sur la conception de l'espace et de la décoration.
Lorsque Sophie Taeuber meurt accidentellement en 1943, Jean Arp peine à faire le deuil de sa femme et il dédiera à sa partenaire plusieurs œuvres littéraires et artistiques à titre posthume.
On peut s'intéresser à une œuvre de Jean Arp exposée au musée des Beaux-Arts de Berne ; il s'agit d'un "duo-peinture" de 1948 (cinq ans après la mort de sa femme), d'après un dessin issu de vingt travaux communs entre les deux époux réalisés en 1939, qui représentent un ensemble de lignes claires et simples dans lesquelles les formes organiques de Jean Arp se mélangent aux constructions géométriques de Sophie Taeuber-Arp pour former un langage visuel commun.
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Hans ARP : "Duo-peinture", huile sur toile, 1948 |
Ici l'opposition entre les deux styles est bien visible. La forme claire et fermée sur elle-même porte la touche de Jean Arp tandis que les six rectangles transparents qui l'entourent et la percent en son centre sont typiques de Sophie Taeuber-Arp. Le contraste des formes dans le tableau est en plus accentué par les tons clairs et pleins. On peut interpréter la forme organique blanche comme une silhouette flottante en fusion et on peut ainsi y voir une image de la relation qui liait les deux artistes.
Les deux artistes ont aussi réalisé ensemble des sculptures en bois, comme "sculpture conjugale" (. Volontairement le couple voulait créer une unité qui empêche de distinguer qui fait quoi dans l'œuvre. Cette sculpture semble binaire, masculin et féminin, sans haut ni bas distinct.