mercredi 26 septembre 2018

Tom WESSELMAN : promesse de bonheurs...

Exposition Tom WESSELMAN (1931-2004) à Monaco : 

un géant du Pop-art sublime le quotidien.


 


 Jusqu'au mois de janvier 2019, le NMNM expose 25 œuvres de Tom Wesselman ; selon une scénographie épurée, utilisant avec efficacité la blancheur immaculée des murs, les productions souvent déroutantes de cet acteur majeur du "pop" américain sont habilement présentées au public. En effet, le choix de ne présenter que peu de productions induit une attention renforcée sur les œuvres présentes.

 Les élèves de Terminale et Première spécialité Arts plastique du lycée ont pu bénéficier des médiations très référencées de Benjamin Laugier et Sharon Jones durant cet après-midi : beaucoup de questions et d'analyses (souvent très personnelles) ont permis de décrypter les productions exposées.




Tirant son titre de la célèbre affirmation de Stendhal “La beauté n’est que la promesse du bonheur”, cette recherche approfondie menée par le commissaire d'exposition Chris Sharp est consacrée à certains aspects très spécifiques de la production de Tom Wesselmann : la sexualité aux époques Victorienne et post-Victorienne, les questions de l’autodétermination de la femme et le rapport de ces deux sujets avec l’abondance matérielle d’après-guerre et, bien évidemment, la relation de la beauté et de l’érotique avec cette «promesse». Comme cela fut souvent le cas dans la carrière de l'artiste, les œuvres interrogent, posent question : représenter des fragments de corps féminins au milieu d'objets, sans hiérarchie apparente, fait-il de la femme un objet au sens utilitaire ? Wesselman est bien plus subtil que cela, en suggérant, par des associations de formes suggestives, des personnifications des objets, voire même leur "sexualisation".

Tom WESSELMAN : "Still life", étagère et cadre en aluminium brossé, pot et tomate en aluminium peint, 1964
  

 De grands tableaux au format classique, tels que l'une des versions les plus connues du  "great american nude" (1964), on passe à des "shaped canvases" (tableaux découpés), dont les contours épousent les formes des objets peints, ou encore à des objets à l'échelle monumentale. Le travail sur l'espace est ainsi capital chez Wesselman : la taille monumentale des productions plonge le spectateur dans un espace à la fois pictural (effets d'aplats) et sculptural (cadres découpés successifs qui se détachent progressivement du mur, objets sculptés puis en partie "aplatis", tableaux/sculptures constitués de découpes métalliques peintes et ondulantes... Une ambiguïté essentielle quand au statut de l'œuvre et à son sujet, que Wesselman entretient dans toutes ses productions après 1970.  

Vue de l'arrière d'un "shaped canvas", un des éléments de l'œuvre.
Effets d'aplats (détail)
 

Effets d'ombres portées sur le mur, un tableau fait de structures métalliques soudées et peintes.

On connait l'impact du monde publicitaire et de ses accessoires (enseignes lumineuses, objets géants) sur les artistes du pop-art : chez Rosenquist, Lichtenstein et Wesselman, le très grand est symptomatique d'une époque, d'un pays (les USA) et de son opulence au début des "30 glorieuses" ; la "promesse du bonheur", c'est celle de l'abondance, du trop, que Wesselman n'associe pas seulement à la consommation (parfum, nourriture, alcools), mais aussi au sexe comme "produit" disponible aussi en abondance.








Les objets représentés évoquent et magnifient le quotidien, quelquefois de manière crue, mais toujours avec un sens poussé du spectaculaire. 

Les références à la nature-morte, au paysage, au nu sont multiples : néanmoins, Wesselman transcende les catégories habituelles de l'histoire de l'art, en faisant par exemple du corps féminin un objet/symbole : un sein, une bouche, une jambe, deviennent les fragments d'une combinaison de "signaux" visuels : ils sont associés à l'Amérique au début des années 60, puis une épuration progressive des formes et productions de Wesselman les éloigne de la référence unique aux USA : restent des intérieurs, des nus à peine détourés (le corps apparaissant en creux), et des rapprochements suggestifs, calculés avec une dose d'humour non négligeable.