dimanche 17 décembre 2023

 HORS-NORMES

 Question du programme limitatif du Baccalauréat session 2024 :

"Du projet à la réalisation de l'œuvre monumentale"

 

25 exemples significatifs de productions artistiques monumentales :

-en 2 et 3 dimensions

-installées dans un espace urbain, naturel ou à l'intérieur d'un espace d'exposition dédié (in-situ ou pas)

-mémorielles, symboliques, ludiques, engagées.

-engageant des procédés de fabrication et des étapes de travail spécifiques (dessins préparatoires, maquettes, travail d'ingénierie, de programmation pour les logiciels spécifiques et le mapping*, autorisations administratives...)

*Lien : https://yannnguema.com/

Pour chacune de ces œuvres, les points suivant ont dû être explicités :

-les objectifs initiaux, l'idée (est-ce la pratique "habituelle" de l'artiste ou production « hors-normes », exceptionnelle ?)
-les enjeux artistiques : pourquoi faire en (très) grand et pour quelles ambitions plastiques ?
-les étapes, les traces (graphiques, maquettes, écrits...) et l’évolution (dates précises et images nombreuses indispensables).
-la prise en compte (physique, sociale, psychologique...) du spectateur dans le projet : actions attendues, réaction envisagée, participation à la réalisation…

 

LIEN DRIVE pour accéder aux ressources :

 https://drive.google.com/drive/folders/11wd-5rCbCzvqbflV7-VKw6A16madbyW9?usp=drive_link

 


N'hésitez pas à aller VOIR d'autres ressources si l'un des diaporamas est incomplet ou peu explicite !!

 


dimanche 29 janvier 2023

 PROGRAMME LIMITATIF TERMINALE SPECIALITE ARTS PLASTIQUES

DU PROJET A LA REALISATION DE L'ŒUVRE MONUMENTALE

 


 

Des grands ensembles monumentaux de l'art égyptien aux "Nymphéas" de Monet, des grands cycles de peinture réalisés sur des dizaines de toiles par Rubens en passant par les objets démesurés dont Claes Oldenburg parsème parcs et espaces urbains, les projets monumentaux sont souvent associés au spectaculaire et à la mémoire dans l'histoire des arts plastiques. 

Spectaculaire, car des dimensions hors-normes, des matériaux et techniques complexes, des phases de réflexion et d'"essais" nombreuses jalonnent le parcours du projet vers sa concrétisation. 

Très souvent conçus pour l'espace public ou naturel (Land-Art) en raison de dimensions imposantes, les œuvres dites monumentales semblent à priori briller par leur diversité dans le domaine tridimensionnel (Christo, Oldenburg, Koons...) ; néanmoins, l'exemple remarquable du cycle des "nymphéas" de l'Orangerie, gigantesque assemblage de toiles collées formant 8 panoramiques, démontre que les images aussi sont l'objet de projets titanesques : débutant au XIXè siècle avec Mélies et son "diorama", la forme du panorama pictural n'est pas seulement une "attraction", un objet d'étonnement, mais il peut aussi revêtir un caractère pédagogique, politique : ainsi, l'une des plus grandes réalisations picturales au monde, le "panorama de la guerre des paysans", réalisé parle peintre est-allemand Werner Tübke, entre 1976 et 1987, commémore sur plus de 1700m2 le combat mené par le leader paysan Thomas Muntzer contre les propriétaires terriens.

Werner TÜBKE : "Panorama de la guerre des Paysans" (1976-87), peinture à l'huile sur toile, 14X123m


Dans les pratiques contemporaines foisonnantes de l'art urbain, les collages photographiques de JR ("Women are heroes", "Le secret de la grande pyramide", "Kikito"...) ou du grapheur italien Blu ("Big Bang Boom") témoignent d'un désir de gigantisme, pour mieux cibler l'ensemble des spectateurs/passants. 

Des images démesurées envahissent littéralement les façades, toits, sols, en modifiant ponctuellement (JR) ou durablement (BLU) l'espace architectural choisi. Ces productions sont préparées longtemps à l'avance, nécessitent la plupart du temps des autorisations officielles, et une équipe de mise en œuvre qui ne saurait se limiter aux seuls efforts de l'artiste : pour mettre en place les centaines de photographies qui composent le trompe-l'oeil du "secret de la grande pyramide" (2019), JR a incité les spectateurs à participer à l'encollage des feuilles imprimées sur le sol de la cour carrée du Louvre ; de même, BLU a de nombreux assistants et techniciens, qui actionnent les pistolets à peinture, le camion grue, et s'occupent de la prise de vue en stop-motion.

 

BLU : "Big Bang Boom" (2010), film réalisé en stop-motion sur l'intervention murale urbaine

 

JR : "le secret de la grande pyramide" (2019) : installation sur 17000m2, photographie sur papier, collées par 400 volontaires, cour carrée du Louvre, Paris.


D'autres pratiques de l'art monumental, peut-être un peu plus classiques parce qu'elles revêtent la forme de sculptures, proposent néanmoins de porter un regard neuf sur l'environnement où elles sont installées : entre l'objet artistique et l'espace architectural, une tension s'établit, qui peut être critique, humoristique, et le spectateur en devient l'acteur involontaire. 

Ainsi, les objets démesurés que Claes Oldenburg et Cosje Van Bruggen installent au centre d'un quartier d'affaire, au milieu d'un parc, sur un étang, sont à la fois en décalage total par leur gigantisme et leur fonction, mais en même temps sont de subtils commentaires sur la nature de l'espace investi : une pince à linge (dérisoire et domestique) au centre d'un mur de gratte-ciel où rien ne peut être étendu au balcon, une bicyclette engloutie dans les parterres gazonnés d'un parc public, telle un vestige archéologique du futur...toutes leurs œuvres, issues de l'univers quotidien du Pop-art, dialoguent de manière féconde avec le lieu.

 

Claes OLDENBURG : "Pince à linge" (1974), acier soudé, Philadelphie

Claes OLDENBURG et Cosje Van BRUGGEN : "La bicyclette ensevelie" (1990), métal, béton, parc de la Villette, Paris.


  Beaucoup d'œuvres monumentales ont aussi été implantées loin des villes, au cœur de la nature, dont elles ont modifié l'aspect, ponctuellement ou durablement. 
    Au sein de la mouvance du Land-Art (qui débute à  la fin des années 60 en Angleterre et aux USA), des artistes sont particulièrement préoccupés par le gigantisme, et la confrontation de leur production à de vastes étendues : ainsi, la "Spiral Jetty" (1970) réalisée par Robert SMITHSON sur le Grand Lac Salé aux USA, se veut une symbolisation du renouveau et du cycle de la vie. Elle est régulièrement submergée puis découverte depuis 1970, mais sa forme, dessinée par l'artiste, puis mise en œuvre par des bulldozers et des camions, demeure inchangée depuis le début. Largement inspiré par les géoglyphes du site de Nazca (sud du Pérou, entre 200 avant J.-C. et 650 après. J.-C), cette réalisation est unique en son genre. 

Robert SMITHSON : "Spiral jetty" (1970, Great Salt Lake, Utah.

Robert SMITHSON : planche projet "spiral jetty", crayon à papier.


La construction de la "Spiral Jetty", photogrammes extraits du film réalisé par l'artiste.

Géoglyphe de l'"Araignée", Nazca, sud du Pérou, entre 200 avant J.-C. et 650 après. J.-C


Souvent conçues comme des repoussoirs de la galerie et du musée, les productions (souvent) monumentales du Land-Art manifestent un désir de retour aux sources, la recherche d'un contact primordial de l'homme avec les éléments : dans le contexte des querelles entre Pop-Art et différents courant de l'abstraction, il s'agissait pour une jeune génération d'artistes de changer radicalement de cadre et d'outils pour créer : c'est donc la terre,le monde lui-même qui devient le support de ces étonnantes productions. L'artiste y intervient pour créer des traits d'union poétiques entre l'activité humaine et la nature agissante.

Ainsi fonctionne le "lightining field" (littéralement "champ d'éclairs") de Walter de MARIA, réalisé en 1977, dans un désert du Nouveau Mexique :  400 mâts pointus en acier inoxydable, selon un plan en grille sur une surface d’un kilomètre de long sur un mile (1,609 km) ont été dressés de façon à attirer la foudre dans une zone réputée orageuse : un abri en rondins peut permettre de passer une nuit à admirer le spectacle des éclairs qui viennent frapper le sol et les barres d'acier.

Walter de MARIA : "lightning field" (1977)

 
Walter de MARIA : "lightning field" (1977)

S'il est surtout connu pour ses emballages et empaquetages dont le premier cadre était urbain, CHRISTO (et son épouse et mécène Jeanne-Claude) a lui aussi concrétisé bon nombre de des ses "visions" dans un cadre naturel : souvent choisis pour leur caractère déjà spectaculaire, les lieux naturels qui accueillent le travail de l'artiste sont souvent très étendus : son premier "emballage" paysager, "Wrapped coast", réalisé en 1969 en Australie fit couler beaucoup d'encre ; il s'agissait de recouvrir de drap les falaises de Little bay (Melbourne), une plage à proximité d'un spot de surf ; alors que le projet était censé sanctuariser en le sculptant cet espace sensible, il s'est vu critiquer pour les dommages éventuels qu'il pourrait causer à la faune et la flore locales. En réalité, le projet n'a été installé que quelques semaines et n'a en aucun cas dénaturé le lieu ; l'idée initiale de Christo consistait à valoriser l'aspect sculptural du lieu, ses volumes, et son côté imposant. Cette première installation fut un succès, assuré notamment par la revente de différents croquis, dessins d'études associés à des plans et photomontages ; ce procédé est depuis resté la marque de fabrique des projets du couple, qui finance ainsi une grande partie des installations suivantes. 

Christo et Jeanne-Claude : "Wrapped coast" (1969), Little Bay, Australie, tissu et cordage.


Christo et Jeanne-Claude : "Wrapped coast" (1969), planche projet, tissu (échantillon, plan, photographie et cordage), collection particulière.

 

Christo et Jeanne-Claude : "Wrapped coast" (1969), Little Bay, Australie, tissu et cordage.

D'autres projets du couple ont une dimension plus ouvertement poétique et décorative : les "surrounded islands" (1980-83) a ainsi consisté à entourer 11 ilôts artificiels de Biscayne Bay de tissu polypropylène rose...flamant ! L'un des arguments avancés par Christo pour obtenir l'autorisation d'intervenir fut de promettre une dépollution totale des îles, qui servait effectivement de dépotoir aux multiples navires qui croisent la baie. L'installation dura près d'un mois : plusieurs étudiants, des particuliers participèrent à la pose des filins et flotteurs, sur lesquelles furent tendus les bâches roses. L'exposition dura deux semaines, et 40 tonnes de déchets furent enlevées à la fin. 

 

Christo et Jeanne-Claude : "Surrounded islands" (1980-83), Biscayne Bay, Miami, polypropylène et cordage





    Dans un registre différent, quoique toujours dans le gigantisme et la poésie, le projet pharaonique de Michael Heizer, "City" (1972-2022),  a été concrétisé au prix d'un acharnement sans bornes de l'artiste ; cette ville (non habitable), en partie souterraine, s'étend en effet sur 800m par 2,4 km de longueur, composée de formes sculpturales obliques, d'autres imitant des collines aux formes pures, le tout dans un silence assourdissant puisque l'œuvre ("“probablement la plus grande œuvre d’art contemporain de la planète” selon The ArtNewspaper) est situé au cœur d'un désert du Nevada. 

Michael HEIZER : "City", (1972-2022), Nevada. 

 
Michael HEIZER : "City", (1972-2022), Nevada.

 Son architecture, qui a nécessité le déblaiement de milliers de mètres cube de roche, s'appuie grandement sur le concept de "sculpture négative", inauguré par l'artiste en 1969 : il s'agissait de révéler la forme par le vide laisser dans la terre et laisser imaginer d'autres formes qui pourraient ainsi surgir du sol et "faire sculpture" : dans "Double negative" (1969-70), c'est la forme en creux (qui suggère un pont entre les deux côtés d'une falaise) qui tient lieu de volume.

 

Michael HEIZER : "Double negative" (1969-70), intervention dans la Moapa Valley, Nevada

 Sur ce qui sera le futur site de "City", Heizer entreprend la création de "Complex one" (1972-76), dont la structure ouverte et volontairement incomplète s'apparente autant à un complexe Maya ou un mastaba égyptien qu'à un ouvrage du génie civil moderne par ses formes très géométriques : ce sera d'ailleurs l'utopie à l'œuvre dans "City", être un trait d'union historique entre toutes les formes de construction : 
“Avec ses allusions, à travers les différences de hauteur, à des sites mayas ou incas et à des autoroutes, Heizer semble affirmer l’existence d’une chaîne de quatre mille ans d’inventions culturelles et d’ingénierie." affirme ainsi le journaliste Michael Kimmelman dans un article du New York Times. 

Michael HEIZER : "Complex one", (1970-76), béton et terre.

 Ce premier jalon de la cité associe déjà avec brio les vallonements naturels du site et la géométrie angulaire de la structure : les vides suggèrent une contruction à venir, créent des passages de lumière.

Michael HEIZER : photographie de "Complex one", (1976).

    Durant près de 45 ans, Heizer va développer le site, dépensant près de 40 millions de dollars (des dons essentiellement) : son œuvre ne peut s'appréhender que par la marche, dans la solitude (seules 6 personnes par jour peuvent accéder au site, et pas tous les jours) ; promenade contemplative, toujours renouvelée car la lumière façonne différemment tous ces volumes majestueux. Peu de croquis ou dessins préparatoires demeurent de ce travail titanesque, issu d'une vision et nourri par d'autres réalisations moins colossales où l'artiste expérimentait déjà ses dispositions de blocs à 45, 90 et 180°. 

Michael HEIZER : "study for City center", 1975, encre et crayon sur papier.

Michael HEIZER : "study for 45, 90, 180", 1982, lithographie, retouche au feutre.

Michael HEIZER : "City", (1972-2022), Nevada.


     Moins grande mais toute aussi fascinante, la sculpture monumentale qui a quasiment ruiné le sculpteur suisse Jean TINGUELY, le "Cyclop" (1969-1994) se trouve elle aussi dans un espace isolé : au beau milieu d'une clairière, muni d'une autorisation officieuse du maire de l'époque, Tinguely, sa compagne Nikki de SAINT-PHALLE, ses amis ferronniers et sculpteurs, commencent à bâtir cette tête monstrueuse en métal : en appui partiel sur les arbres, le premier plateau sert de base à la structure, puis de refuge la nuit tombant. Véritable pari "anti-musée" de Tinguely (l'œuvre sera invendable en raison de son poids et de sa situation), le "Cyclop" se développe peu à peu, et 13 artistes amis y mettent leur "patte" : son ex-épouse Eve AEPPLI réalise l'aménagement du wagon avec des poupées qui évoquent la Shoah, Daniel Spoerri y réalise une salle à l'envers, et Nikki de Saint-Phalle imagine en 1976 la "face aux miroirs", dont la langue servira de véritable fontaine.

Jean TINGUELY : dessin de la "tête du monstre", encre, 1969.

Jean TINGUELY : maquette du "Monstre" (1970), matériaux divers.


Le premier niveau de la "Tête "en 1971.

La structure vue de l'arrière en 1975 : poulie et roues fonctionnelles actionnent divers mécanismes intérieurs et extérieurs (boule métallique sur rail, qui descend et remonte sans cesse dans la tête).

Entre 1982 et 1986, le "Cyclop" est endormi : après 12 années de travail si intense, la santé de Tinguely s'est dégradée, et les soucis financiers s'accumulent : en 1987, l'état français accepte le don de l'artiste, qui entend ainsi pérenniser son travail et imagine son avenir. Dès 1986, Nikki de Saint-Phalle a trouvé sa participation, un visage fait de fragments de miroirs, agrémenté d'une cascade d'eau.

Nikki de SAINT-PHALLE et Jean TINGUELY : maquette de la "face aux miroirs", 1986.


    En 1991, TINGUELY décède ; ses amis artistes se succèdent pour finaliser la "tête" (ARMAN crée une "accumulation" de gants de soudeurs en 1991, le "pénétrable sonore de Jesus Rafael SOTO est installé en 1993) ; en 1994, la sculpture géante, raccordée au réseau électrique, est inaugurée et ouverte au public. C'est un exemple rare d'utopie artistique concrétisée.

 C'est d'ailleurs à la même époque où Tinguely a démarré cette aventure que dans le monde des arts plastiques et de l'architecture on a assisté à une éclosion de projets irréalisables, de rêves plus ou moins politisés et engagés, critiques d'un monde (déjà) enlaidi, pollué ou triste. 

Les œuvres "utopiques" se cantonnent souvent à de simples dessins, croquis volontairement évasifs sur les proportions et les aspects techniques. Le plasticien CONSTANT (de son vrai nom Constant Nieuwenhuys) élabore pourtant dès 1956 son projet de "New Babylon", la ville de l'"homo ludens" (homme qui joue, crée) : par opposition à la ville productiviste ("homo faber") il imagine une société automatisée, où l'humain aurait beaucoup de temps pour créer ; la ville est ainsi un théâtre et une scène pour interagir, créer, s'amuser. Il décline des visions de ces espaces ludiques sous formes de tableaux, photomontages, collages, maquettes et peintures.

 


 

CONSTANT : "New Babylon" (1969), collage.

CONSTANT dans son atelier devant une des maquettes de "New Babylon", 1965.

    Il est difficile de mettre un terme à cette approche forcément partielle des projets monumentaux, tant il est vrai qu'en ce début de XXè siècle, le gigantisme semble devenir une forme particulièrement appréciée par les plasticiens. A l'instar de Robert Rauschenberg qui ne voyait pas de raison de "ne pas considérer le monde comme une gigantesque peinture", s'approprier et modifier le réel manière concrète semble aujourd'hui un "passage obligé" pour nombre d'artistes, sculpteurs ou architectes ; cette tendance au "très grand", peut sembler s'opposer aux nombreux projets utopiques nés au milieu des années 60 en Europe : dans la mouvance contestataire qui touchait les milieux de l'art (cela n'est pas nouveau) et celui de l'architecture (cela l'est plus !), des projets urbains novateurs firent leur apparition un peu partout. Dans la plupart des cas, il s'agissait d'une critique de l'habitat urbain moderne issu du style international, et de son schéma sclérosant et mortifère : terres agricoles et espaces verts supprimées, immobilité, banalité et ennui, absence de projet social,...la cité devait devenir un espace ludique, transformable en grande partie et suivant les besoins, et surtout mobile. 

    C'est le cas des projets de "Walking city" et "Plug-in city", réalisé sous forme de collages par le groupe d'architectes anglais Archigram (1960-74) : lié à l'éclosion du premier Pop-Art anglais (Richard Hamilton), ce collectif qui s'est d'abord manifesté par des tracts publicitaires aux couleurs criardes puis une revue du même nom (9 numéros), où était promu un habitat non conformiste, largement inspiré de l'univers de la science fiction, du loisir et du spectacle ambulant. Le romantisme "beatnik" et le mythe d’une population nomade et individualiste que la technique libérera des contraintes de la sédentarité et de l’apesanteur hantent leurs collages. Leurs visions futuristes sont marquées par les structures de lancement des fusées de Cap Kennedy. Leurs slogans tournent autour du ludique, du jetable, du robot, du container, de l’événement, des branchements, de l’instantané, de l’émancipation, du gonflable...

 

Ron HERRON : "Moving city" (collage, paru dans un numéro de la revue de 1964)

 
Ron HERRON : "Moving city" (dessin paru dans un numéro de la revue de 1964)

Le collectif n'a effectivement rien concrétisé de ces utopies très ancrées dans les années 60 et sa foi en la science et le progrès ; néanmoins, Peter COOK et ses comparses sont à l'origine d'une tendance récente de l'architecture actuelle, nommée "Blobisme" : il s'agit d'établir des liens formels entre des organismes vivants (le blob, les cellules, les poissons des profondeurs) et des formes architecturales qui relèvent plus de la sculpture que du génie civil : chaque création  est ainsi un "évènement" visuel, rompant avec la monotonie de l'environnement bâti. Ainsi a été conçue la Kunsthaus (maison des arts) de Peter Cook, à Graz (Autriche) en 2003 : une sorte de créature bleue dotée de vésicules fonctionnelles, sur une base évoquant la pomme de terre ou le poisson "boule".

Peter COOK (né en 1936) : "Kunsthaus" (2003), Graz.

Peter COOK (né en 1936) : "Kunsthaus" (2003), Graz.

    Sans aucun doute un projet stimulant pour l'architecture autant que pour l'univers contemporain des arts plastiques, où le recours au format monumental est souvent le moyen le plus sûr de s'assurer une notoriété médiatique immédiate...Ce fut le cas de la sculpture monumentale "Cloud gate" (2006) d' Anish Kapoor : cet artiste britannique d'origine indienne a installé cette gigantesque structure entièrement courbe sur une place de Chicago, entre la skyline et le lac Michigan : l'ensemble de ses panneaux d'acier inoxydable agit comme un miroir déformant géant, qui "happe" littéralement les paysages environnants, et propose de multiples perspectives uniques sur le monde. 

Anish KAPOOR : "Cloud gate" (2006) dessin.


 
Anish KAPOOR : "Cloud gate" (2006, infographie de la structure métallique interne.


Anish KAPOOR : "Cloud gate" (2006), polissage des panneaux d'acier inoxydables.

Anish KAPOOR : "Cloud gate" (2006, 25x12x12m, Chicago, Millenium Park.


vendredi 24 avril 2020

Terminale Spécialité - HASARDS PROGRAMMES : les productions des élèves

Sujet 8 : HASARDS PROGRAMMES



 A PARTIR D’UNE DES 3 IMAGES FOURNIES, réaliser une production graphique ou picturale, vidéo, selon des consignes écrites (maximum 5) qui combineront la règle stricte (limite les possibilités d’action) et la règle qui crée le hasard et la contingence (ouvre le champ des possibles).






Quelques productions des élèves ci-dessous : un travail vidéo de Sacha, associant une bande sonore de John Cage (elle-même constituée de fragments de sons combinés, superposés et répétés de manière aléatoire).

Photogramme de la vidéo de Sacha
 Ci-dessous lien vers la vidéo complète :
https://drive.google.com/open?id=18_Zql2VI97Aub2Mzq6oTvfdAu9xMZyAU 


Explications de son "programme" : 
 "J’ai en effet choisi le dessin des têtes qui m’a immédiatement intrigué. Les formes rondes et régulières, mais qui pourtant était encore inachevé de par le tracé du crayon, m’ont directement semblé plus en accord avec le sujet et avec cette notion de « double règle ». Ainsi, la forme du rond tracé au crayon m’a servi de règle de hasard et l’espace entres ces esquisse lui servait de contrainte.
Je me suis donc fixé différentes règles. Tout d’abord, avant de commencer la modification par le dessin (numérique), j’ai décidé de traiter les images et de les modifier d’une façon aléatoire de par l’utilisation d’effets (J’ai utilisé une application qui m’était totalement inconnue pour ne pas adopter une logique significative). 


Dès lors que ma règle de hasard étant établie, j’ai fixé la logique de contrainte. Ainsi dans la partie graphique du dessin numérique mes principales contraintes étaient :
-Un ou deux carrés/ ronds par images ; répétition systématique d’une forme avant de pouvoir en faireune autre ; répéter la même image tout en la modifiant au préalable et selon les règles établies. 

Dès lors j’ai constitué une série d’une centaine d’images et une autre d’une trentaine.
 

Mon Fonctionnement : Je modifiais image par image, ainsi par exemple : je traçais un rond sur la première image j’utilisais le copié-collé et sur la deuxième image (copie de la première) je traçais un second rond/carré, jusqu’à obtenir une séquence assez longue dans laquelle les formes se construisaient. Dès lors cette vidéo est donc une succession d’image répétées, modifiées et cadencées une par une. C’est une technique est relative au film d’animation : des images qui se succèdent à la suite les unes des autres à une cadence assez élevé d’une manière à ce que le rendu soit fluide et logique.

De plus, pour donner « vie » à ces règles j’ai utilisé un fond sonore étant la mélodie composé par John Cage en 1941 se nommant « third-construction ». Sa rythmique régulière et sa monté en puissance m’ont paru intéressantes à exploiter dans le cadre de la contrainte et de la libération ou de la soumission celle-ci (symbolisé par les ronds) et à sa logique.
Donc, la forme du carré elle symbolisait la contrainte abstraite mais aussi matérielle (son aspect rectiligne occupant l’espace). Tandis que les rond eux exprimaient d’une façon abstraite cette idée de hasard et de créativité présente dans le sujet. Notamment lorsque ces rond prennent de plus en plus d’ampleur (2eme série d’image en noir) et s’affranchissent en quelque sorte de cette barrière de contraintes. 


Ainsi le sujet s’exprime autant dans les règles établies que dans la forme pure de l’image que j'ai choisie."